Beauté de la nature
De notre correspondant particulier à Cherbourg, auprès des « Annuaires de la Manche », nous avons reçu ce magnifique texte relatant un phénomène inhabituel dans notre région. Il ne serait pas étonnant que certains de nos anciens s’en souviennent encore.
« Une aurore boréale a eu lieu le 18 octobre (1836) vers les 8 heures du soir.. La journée avait été chaude, le ciel était d’un rouge vif.
Ce phénomène avait la marche d’un nuage chassé par la brise ; il se dirigea vers le Sud, quoiqu’il eût le vent contre lui. On put remarquer qu’il se mouvait au-dessus de la région des nues.
A son apparition à l’horizon, il formait un nuage compacte dont le centre avait la couleur obscure et cuivrée de la lumière de mars ; en avançant vers le zénith, il se dilata, et l’on aperçut distinctement les étoiles à travers ce rideau électrique, qui prit partout une couleur de sang. Alors il se montra sillonné de quelques poutres blanches semblables à des jets de lumière, et partant du Nord pour se diriger vers le Sud. Le phénomène avait une coruscation bien apparente, qui se réfléchissait sur les objets terrestres absolument comme un incendie ou le feu d’une fournaise pendant la nuit. Mais un beau clair de lune modifiait beaucoup la couleur naturelle de cet effet de lumière.
Le nuage électrique continua sa marche vers le Sud en se raréfiant de plus en plus, et, arrivé au zénith, il disparut insensiblement, se dissolvant en vapeurs grisâtres. Son apparition avait duré près de quarante minutes. Un moment après, le ciel se couvrit de forts nuages.
L’aurore boréale reparut à l’Est sur les dix heures du même soir, et dura jusqu’à minuit . Ses faisceaux de lumière se dessinaient alors en arcs-en-ciel, suivant la direction du Sud, en torches qui paraissaient sous de formes diverses et changeaient d’aspect d’instant en instant. La nue électrique plus resplendissante scintillait comme si elle eût été formée de parcelles de feu en mouvement, on l’aurait dite en crépitation. Plusieurs fois on vit des faisceaux d’étincelles se détacher du foyer et tomber en globules sur la terre. La mer, qui réfléchissait les jeux de lumière du phénomène céleste, était alors d’une phosphorescence admirable.
La même lueur boréale a été vue à Nantes, le même soir, depuis huit heurs et demie jusqu’à dix heures : on l’a remarquée aussi à Caen et sur tout le littoral de la Normandie.
Ce n’était point là une aurore boréale comme on en voit si souvent en Suède, en Laponie et dans les mers du Nord ; elle n’était pas non plus forte et tranchée comme celle qui apparut à Cherbourg en décembre 1831, et qui dura une partie de la nuit ; mais elle avait tous les caractères qui distinguent ces sortes de phénomènes, dont jusqu’ici la science, après tant d’hypothèses, est encore à ignorer la cause »
(Verusmor, Extrait du Journal de Cherbourg, Noël-Agnès)
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