Notre association a choisi le nom d' »Histothèque Jean-Vitel » afin de rendre hommage au poète local, Jean Vitel né à Poilley (Manche), dans la seconde moitié du XVII ème siècle.
Si ce nom Vitel a été particulièrement porté dans cette commune, aujourd’hui il a complètement disparu du canton.
La consultation des registres paroissiaux de Poilley permet d’avoir un aperçu des Vitel et d’en savoir plus sur leur descendance.
Mais, si les registres remontent jusqu’au XVI ème siècle, la difficulté, pour cette période, est de plusieurs ordres :
– bien qu’existant, leur contenu n’est pas en ligne sur le site des Archives Départementales de la Manche.
– écrits en latin, la traduction n’est pas à notre humble portée.
– et surtout les actes dressés par les prêtres sont imprécis. Il n’y a pas le nom de la mère en cas de baptême, le père est référencé comme étant le fils de « Untel Vitel ». La même imprécision se retrouve dans les mariages.
Malgré l’utilisation du français, les premiers registres du XVII ème siècle posent les mêmes problèmes de suivi de filiation. Néanmoins, l’exploitation partielle de ces premières archives a pu être réalisée à partir de 1630, impliquant des ascendants nés à la fin du XVI ème siècle.
Origine du nom VITEL
Avant 1700, il est majoritairement écrit « VISTEL ». Cette forme se retrouve de temps à autre, suivant les rédacteurs des actes, au cours du XVIII ème siècle.
« L’origine n’est pas unique, l’interprétation dépend du lieu géographique.
Partant de l’hypothèse qu’il s’agit d’un nom plus ou moins local ( Normandie), il pourrait s’agir d’un surnom médiéval évoquant une caractéristique du lieu d’habitation ou ce lieu lui-même : lieu-dit, nom de hameau « le Vitel » , « le Vittel », etc ( cf. le Vittel à Saint-Georges-de-Livoy, 50)…
Il repose sur l’ancien normano-picard « witel », « wistel « mesure de superficie » que l’on peut semer avec un demi quartaud de semences.
Il semble avoir désigné initialement une superficie de terre pouvant fournir l’approvisionnement d’une communauté d’une certaine taille, et serait donc issu de l’ancien anglais wist “provision, approvisionnement”, aussi “festin” (cf. le composé wistfyllu “abondance de victuailles”), substantif formé sur le verbe wesan “festoyer”
Les formes Vistel ou Vitel sont parfaitement équivalentes, la première étant prononcée Vitel depuis longtemps deviendra naturellement Vitel à l’écrit »
(Ref D. Fournier, auteur de "Noms de Famille de Normandie")
D’autres spécialistes font référence à un éventuel « vistel », c’est-à-dire vif, rapide, ou encore au diminutif de « vit », membre viril.
Les communes/paroisses de résidence
Les données des mariages, issues de la base du Cercle Généalogique de la Manche (CG 50), permettent de cerner l’implantation géographique des Vitel, avant la Révolution. Leur présence se situe essentiellement au sud-ouest de la Manche.
La localisation de Vitel en Bretagne, particulièrement en Cotes-d’Armor, explique peut-être pourquoi nous les retrouvons que dans cette contrée bas-normande. Dans ce cas, l’origine du nom resterait incertaine car il est hors de la zone « normano-picarde ».
Avec 59 mariages relevés, la paroisse de Poilley se place loin devant Saint-Senier-de-Beuvron qui n’a seulement que 21 actes, faisant de Poilley le fief des Vitel de la Manche.

Le lieu de célébration du mariage (paroisse d’origine de l’épouse) explique en grande partie les paroisses au nombre d’unions inférieur à 5.
(Pour les communes regroupées de Pontorson et Isigny-Le-Buat, les chiffres de mariage retenus sont ceux de « Pontorson plus Ardevon », et de « Isigny plus Montigny ». La superficie de ces communes est celle du regroupement)
Les données restreintes de la base CG50 sur « l’après Révolution » ne permettent pas de réaliser une carte équivalente.
Regard sur les naissances à Poilley
Le relevé des actes de baptême révèle l’évolution de la population des Vitel (ou Vistel).
La connaissance des filiations n’ayant pas d’intérêt dans ce cas, sauf erreur, tous les actes ont été retenus ( environ 210 actes sur 200 ans),

Le graphique représente le nombre de baptêmes Vi(s)tel par tranche de 20 ans. Il débute en 1630 avec quelques années manquantes vers la période 1680-1690, d’où la rupture dans le graphique des baptêmes pour cette période.
Si l’on considère la période 1630-1649, avec 35 actes sur 20 ans, plusieurs couples de Vitel sont présents à Poilley et donc certainement avant l’an 1600.
Ceci est confirmé par les relevés généalogiques effectués sur la base de données « GeneaVitheque » de notre association : plusieurs branches correspondant à diverses familles Vitel débutent sur cette même période. S’il existe un ancêtre commun, il faut alors remonter plusieurs générations pour le retrouver.
Dans la réédition de 1904 des « Premiers Excercices Poétiques » de Jean de Vitel, Ch.-A de Robillard de Beaurepaire souligne en introduction:
« Dans un aveu de 1574, il est question de maître Noël Vitel et de Barthélemy Vitel, dont les propriétés bordaient le domaine non fieffé de la seigneurie de Lentilles ; dans un aveu de 1596, il est également question des hoirs de défunt Etienne Vitel et de Barthélemy Vitel, et enfin,dans un aveu de 1631,on voit cités François et Gilles Vitel.«
Il semble donc probable que la famille de Jean Vitel, le poète né en 1569, n’est pas la seule dans cette paroisse à cette époque.
Le graphique indique également que, dès 1730-1749, le nombre des naissances décroît jusqu’en 1816, année du dernier-né Vitel à Poilley.
Il s’agit de Pierre Jean Louis Vitel, né le 12 mars 1816, fils de Barthélémy Vitel et de Louise Gazengel. Il décède le 13 mars 1817.
La dernière inscription sur le registre d’État Civil d’un Vitel concerne le décès de Jeanne Andrée, fille de Jean Vitel et Jeanne Colin, décédée le 5 février 1844, épouse en premières noces de Pierre Bouteloup, et en secondes de Jacques Martigny.
Avec Jeanne Andrée, disparaissent les Vitel de Poilley.
Le cadastre
Le cadastre napoléonien fait mention des biens de trois Vitel, Barthélémy, David et Pierre. Situés à Rozel, la Croûte, Le Petit Pré, le Courtils … ils sont de peu d’ampleur (à peine 180 perches, moins d’un hectare pour Pierre, et moins encore pour les 2 autres).
Les prénoms les plus portés
Sur un total de 327 prénoms recensés (pères et mères compris), chez les hommes, Louis arrive en tête, porté 29 fois, suivi de Jean 27 fois ; chez les femmes c’est Marie , citée 24 fois puis Louise, 16 fois, à égalité avec Jeanne.
Une comparaison avec le classement effectué sur l’ensemble de la Base « GeneaVitheque » révèle la spécificité des prénoms Vitel. Sur les 4350 personnes enregistrées, c’est le prénom Jean (cité 389 fois) qui prédomine, devant Louis (189 fois). Pour les femmes, Louise n’est porté que 151 fois contre 287 pour Jeanne.
Il semble bien que chez les Vitel le prénom de référence soit Louis/Louise !
La famille Morel est souvent citée parmi les parrains des enfants Vitel, en particulier Morel Louis, Sieur du Gage, Morel Louis Sieur du Ruellon, Morel Jean étudiant au collège d’Avranches…

Sont également représentées les familles Duteil, Sanson, Pinot…
Certains rédacteurs des « Baptêmes-Mariages-Sépultures » ont renseigné le lieu-dit relatif à l’acte enregistré. Ceci permet d’établir un aperçu du lieu et du cadre de vie.
Si Jean Vitel, poète, dit être né au village de Lentilles, sur les actes consultés, aucun autre Vitel n’y est mentionné.

Le village le plus souvent indiqué est Rozel, puis viennent les Verdières, les Noyers, la Trébanetière …
A noter la présence de deux familles distinguées par un surnom :
– Vitel Cauvetière, dont l’origine pourrait être une référence au village de Cauvetière en Céaux (près du lieu-dit actuel de la Buvette),
– Vitel Saulderaye ou Saulraye, non identifié.
Aucun Vitel n’a été retrouvé au Bourg ou au Pavement.
Les métiers
Les Vitel exercent essentiellement des métiers de la terre, laboureurs, cultivateurs, journaliers …
On trouve également des tailleur d’habits dont Jean Vitel né à Sacey mais exerçant à Poilley au village de la Trebannelière vers 1668. Sa signature sur les registres est remarquable.
Vers 1748, un autre Jean Vitel est tailleur au village des Noyers à Poilley.
Autre cas particulier, André Vitel, époux de Marie Coispel, est signalé plusieurs fois comme tabellion, vers 1633. De ses cinq enfants et nombreux petits enfants, il n’y a plus de trace à Poilley 100 ans plus tard.
Les prêtres
Outre Jean VITEL, le poète qui a dû se consacrer à la vie monastique à l’abbaye de Montmorel vers 1600, et son oncle, prêtre à Granville fin XVI ème siècle, deux autres Vitel sont entrés en religion à Poilley :
- vers août 1724 et jusqu’à son décès en 1756, René VITEL est vicaire à Poilley.
- Louis Vitel, qui selon toute vraisemblance est son frère, est d’abord diacre vers avril 1733, puis prêtre l’année suivante.
Les Vitel, l’après Poilley
Absents de Poilley dés le début du XIX ème siècle, les Vitel n’ont pas disparu totalement de la Manche. Un fait divers cocasse, paru dans le » Journal de Ducey », le 29 octobre 1910, signale leur présence à Pontorson (Manche).
En 1945, le fichier dit « Lechanteur » relevant les patronymes masculins tels qu’ils figurent sur les listes électorales de cette année-là, dénombre 4 Vitel dans la Manche ( 1 à Chérencey-le-Roussel, 2 à Martigny et 1 à Pontorson) et 2 Vittel à St-Pair-sur-Mer. (source CG 50)
En 2013, l’annuaire des abonnés au téléphone ne recense, dans la Manche, aucun Vitel et un seul Vittel.
La source des Vitel de Poilley est-elle tarie ?
Sources et références • base CG 50 • base généalogique GENEAVITHEQUE de l'association Histothèque Jean-Vitel, fonctionnant sur le logiciel de généalogie libre et gratuit GENEAMANIA