LEPROVOST, Librairie Editeur

Pendant les 4 premières décennies du XX ème siècle, Louis Leprovost a été un grand témoin de notre région. Tout comme celles de Charles Patarin, ses cartes postales nous racontent l’Avranchin. Pour la majorité des villages, au moins une carte postale ancienne porte sa signature : Leprovost, éditeur. Malheureusement, peu d’informations sont venues jusqu’à nous pour réaliser une biographie détaillée de cet éditeur. Cet article n’en retrace donc que les grandes lignes.

Les Leprovost d’Avranches

Originaires du Luot, les Leprovost s’installent à la fin du XIX ème siècle rue de Ponts à Avranches. Ce sont des maréchaux depuis plusieurs générations. Le dernier de cette lignée est Auguste-Louis Leprovost.
Auguste-Louis épouse, en août 1868, Marie Louise Allain (1847-1936), originaire de Plomb.
Le couple a au moins deux fils : Auguste et Louis.

Auguste Leprovost, employé de banque
Il nait en 1870, rue de Ponts, à Avranches.
Lors du recrutement pour le service militaire, en 1890, le conseil de révision le décrit comme étant de faible constitution. Cheveux et sourcils blonds foncés, yeux châtain, front fuyant, menton rond et visage ovale, Auguste mesure 1m 57.
Il a un niveau d’instruction supérieur à l’école primaire et est employé de banque (Banque Gilbert), à Avranches.
Marié, Auguste semble n’avoir eu que deux enfants, Joseph et Aubert.

En decembre 1933, son décès est relaté dans le journal l’Avranchin :
Mort subite : La mort vient de frapper inopinément un de nos excellents compatriotes, M. Auguste Leprovost. Il traversait samedi après-midi la rue d'Orléans quand il fut frappé de congestion. Reconduit à son domicile rue Dame-Jeanne-Destouehes, il ne tarda pas à expirer. Agé de 63 ans, Auguste Leprovost avait passé la majeure partie de son existence à la Banque Gilbert ; il y était entré à l'âge de 13 ans et y était demeuré jusqu'à la fermeture de cet établissement. C'était un ami dévoué de l'Ecole des Frères ; tant que la fanfare Sainte-Cécile exista, il en demeura la cheville ouvrière. Auguste Leprovost, Hippolyte Harel, voilà deux noms qu'on voyait toujours sur les programmes des séances de jadis. La mort de ce bon camarade cause une peine profonde aux Anciens de l'Ecole Saint-Joseph qui l'avaient en grande amitié.

Louis Laurent Olivier Leprovost, libraire éditeur à Avranches

Louis nait le 28 mai 1878, rue de Ponts, à Avranches.

Le service militaire
Au moment du conseil de révision, en 1898, il est libraire à Avranches, et possède un niveau d’étude supérieur au niveau primaire.
Sa fiche militaire le décrit comme un homme au visage ovale aux cheveux et sourcils châtain, aux yeux gris et au nez aquilin. La bouche est saillante, le menton rond et le front fuyant.
Petit, ne mesurant qu’un mètre cinquante et un, il est exempté du service militaire en 1898. De même, en décembre 1914, son développement est jugé insuffisant pour partir au front. Cependant, il est appelé sous les drapeaux le 16 mai 1917, pour servir dans les services auxiliaires. Il fait la campagne contre l’Allemagne de mai 1917 à février 1919.

La vie civile
Louis Leprovost épouse, le 12 avril 1904, Joséphine Marie Jouenne, née le 25 juin 1882, rue de Mortain, à Avranches. Le père de celle-ci, François Julien Jouenne, natif du Grand-Celland, est marchand épicier, rue de Mortain.

Le couple Louis Leprovost-Joséphine Jouenne a au moins trois enfants :
• Jeanne, qui sera présente lors du décès de sa mère.
• Bernard-Auguste Louis Émilien, né en juillet 1906, rue des Fontaines-Couvertes et décédé en février 1907
• Bernard, présent lors du décès de sa mère.

Joséphine Marie Jouenne décède en août 1941, à l’âge de 59 ans.

Louis Leprovost et sa famille habitent rue des Fontaines-Couvertes, à Avranches, où est situé la librairie.
Il décède le 17 mai 1962, à 84 ans.

Bref aperçu de la généalogie de la famille Leprovost

La place des Fontaines-Couvertes

La librairie Leprovost, Place Fontaines-Couvertes

Cette place est créée au XVIIIe siècle avec l’ouverture de la « route Royale », allant de Caen à Saint-Malo.
En 1794, ses fontaines sont réparées avec des pierres en provenance du chateau du Quesnoy, à Saint-Martin-des-Champs, vendu comme bien national.

La librairie Leprovost, à droite de la photo

La libraire Leprovost semble avoir été un lieu de rencontres et de discussions en particulier pendant les heures difficiles de l’occupation allemande :

1943 – Le temps passe, malgré tout. Ma sœur et moi allons souvent à la Librairie Leprovost où nous retrouvons parfois le même groupe bien-pensant et parlons des dernières nouvelles. Il n’y a presque plus de Juifs dans la région. Un ami de mon père, M. Émile Vessler, négociant très connu à Granville, a été arrêté en 1942 en essayant de traverser la ligne de démarcation et je pense que sa disparition a découragé mon père d’essayer aussi.
Puisque les Juifs ont été expulsés des écoles et universités, Rose-Marie prend des leçons particulières de plusieurs matières et de piano. Elle est vraiment douée pour la musique et mes parents seront heureux. Tous les dimanches, je continue à me rendre au Commissariat de Police pour le pointage.
Novembre 1943 – Aujourd’hui nous nous trouvons à la Librairie Leprovost, Madeleine Tesnières-Ménard (que je connais depuis des années) est présente et me dit soudain d’un air pensif :  » Le docteur X (Israélite) a été vu hier entre deux gendarmes français à la gare de Folligny.  » … (Témoignage d’Anne-Marie Mainemer, L’IMPOSSIBLE OUBLI, Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes de France)

Les bombardements alliés du 7 juin 1944 ont complètement détruit les bâtiments entourant cette place :

Dans la nuit du jeudi le feu, qui couvait dans les décombres de l’imprimerie de L’Opinion de la Manche, s’activa et détruisit la maison du gérant… Des flammèches tombèrent sur la couverture du bureau de placement allemand, ancien magasin« Singer », place des Fontaines-Couvertes, et ce påté de maisons, déjà attaqué à l’arrière, prit feu à son tour : le magasin de cycles Tesnière. la librairie Leprovost, la boucherie Davy, l’épicerie Bourdon, Lemoussu (tailleur), le Grand Café du Balcon, le dépôt Debray, la maison de Mm Renault, étaient destinés à disparaître…(Ref :Alfred MARIE, AVRANCHES, SOUVENIRS de l’Occupation Allemande, ÉDITIONS DE L’AVRANCHIN, 1949)


La place est entièrement reconstruite après 1949.

Le plan actuel du quartier des Fontaines-Couvertes

En orangé, la place des Fontaines-Couvertes avant les bombardements de la Libération. Le quartier, complètement détruit a été reconstruit sur un nouveau plan.

L’éditeur de cartes postales

A 26 ans, en 1904, année de son mariage, Louis Leprovost édite des cartes postales sous le propre nom de sa libraire.
Nous trouvons, de cette époque, beaucoup de photos concernant Avranches et ses environs.

Carte postale numérotée 4, château L’Isle Manière, à Saint-Quentin-sur-le-Homme est timbrée de 1908
Carte postale numérotée 13, Avranches, vue générale, timbrée 1905

La qualité de prise de vue, les méthodes de reproduction suggèrent le recours à un professionnel spécialisé. Cependant, lors d’évènements locaux, les cartes postales émises sont l’œuvre de Louis Leprovost. Les deux exemples ci-dessous le confirment..

1908, le crime de Poilley (Manche)

Le crime de Poilley a un retentissement national : un domestique assassine sauvagement sa patronne.
Louis Leprovost est présent au moment du transfert du criminel afin de tirer des cartes postales de cet événement.

Article tiré du journal l’Avranchin du 7 mars 1908.
(Remarque :les Deibler étaient une célèbre famille de bourreaux).
La photo du prisonnier
le dos de la carte

Cette photographie est donc l’oeuvre de Louis Leprovost. Il en fait le tirage sur sur du papier R. Guilleminot, Bœspflug et Cie. Le dos de cette carte postale porte le tampon de la libraire Leprovost.

R. Guilleminot, Bœspflug et Cie, basée à Paris, était un fabricant de plaques et papiers photographiques, y compris des papiers pour l'impression de vraies cartes postales photographiques. L'entreprise a été fondée par Gustave Guilleminot (1830-1895) en 1858 au 22, rue de Chateaudun à Paris et a fermé ses portes en 1994. Le gendre de Guilleminot, Émile Bœspflug (1869-1951), est devenu le partenaire du frère de Guilleminot , René Guilleminot († 1941), et prend la direction financière et commerciale de l'entreprise. R. Guilleminot, Bœspflug et Cie Credit Line

Fête à Avranches, vers 1910

On peut lire, au dos de cette carte, outre Leprovost, Libraire Avranches, la correspondance de l’expéditrice :

Mr et Madame Clément. Vous reconnaitrez bien les deux types Becker et Bourdeaux avec les petites Leroy. La dessus ; le char des forgerons un petit train fait par Mme Daniel et les Lambert, le char de la purée ; le char des enfants ; un char de fleurs fait par Mrs Gauchet et Taunel (?) ; une ferme normande ; un char chinois et la voiture de Mr Fleury décorée de lierre et de roses et mousses conduite par les deux jeunes filles elle était très jolie leur voiture. Beaucoup de monde, une grande chaleur et bal le jour même. Mlles Roussel et Salmon ont dansé. J'ai aperçu aussi les petites Besniais mais je ne sais pas si elles ont dansé. Merci de votre de votre carte que je viens de recevoir à l'instant. Quand rentrez-vous ? Excusez-moi de vous écrire au crayon. Recevez mes amitiés. Bonjour à Madame Clément et à tous pour moi. Henriette

Cette carte postale représentant une fête, certainement à Avranches est, là encore, une photo prise par Louis Leprovost, tirée sur du papier, au dos pré-imprimé des références de la librairie.
Elle fait partie d’une série sur cette fête. (Le vendeur de la carte présentée en détenait plusieurs qui ont été dispersées)
Un des personnages, cité au verso, est René Bourdeau, né à Ducey, marié en 1912 à Georgette Blandin, d’Avranches. Parti au front en 1915 , il est porté disparu en septembre de la même année.
La famille de René Bourdeau possède une photographie du même type et du même événement, certainement prise par le même photographe, Louis Leprovost.
Ces photos datent probablement des années 1910.

En 1930, Louis Leprovost parcourt toujours la région à la recherche de nouveaux thèmes pour la création de cartes postales

Annonce parue dans le journal Le Glaneur du 19 avril 1930.

N’ayant pas retrouvé trace de son commerce de libraire-éditeur après les bombardements de la Libération, en 1944, il semblerait que Louis Leprovost, agé d’environ soixante six ans ait cessé son activité à cette date..


Bien évidemment, nous sommes preneurs de toute information pouvant compléter la biographie de Louis Leprovost. Il a tellement laissé de d’archives photographiques sur la région qu’il serait dommage qu’il tombe dans l’oubli. Contactez-nous !

3 commentaires sur “LEPROVOST, Librairie Editeur

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  1. Excellente collection d’informations sur l’éditeur des cartes postales. Je fais des recherches sur l’histoire de l’édition de cartes postales en Bretagne et j’ai eu beaucoup de mal à obtenir des informations, même de base, auprès de quelques éditeurs. Merci pour cette information et salutations de la Slovénie !

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